Les Polonais au secours des Juifs 1939-1944 . Récits, souvenirs, documents

J'estime que dans une affaire aussi importante et encore vivante que la collaboration entre Polonais et Juifs pendant l'occupation, nous avons l'obligation morale de rendre a la vérité le meilleur témoignage possible.

15.12.2010

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Le texte de Władysław Bartoszewski et le poeme d'Antoni Słonimski l'accompagnant ont paru dans "TP" n°12/63. Au cours des années qui ont suivi, avec Zofia Lewinówna, polonisante et éditrice, l'auteur a rassemblé et mis en forme les récits qui, quatre ans plus tard, ont paru aux éditions "Znak" dans un livre intitulé "Celui-la est de ma patrie". Ce livre a eu un énorme écho; comme l'a écrit Józef Czapski dans une recension publiée dans les colonnes de "Kultura": "Il est de notre devoir - du devoir de chaque Polonais et de chaque Juif - non seulement de posséder ce livre mais de le  lire du début a la fin et de le diffuser." Malgré les difficultés dues a la politique antisémite et anti-israélienne des autorités de la République Populaire de Pologne, une deuxieme édition a paru en 1969, augmentée, entre autres, de récits émanant d'émigrés.

CELUI-LA EST DE MA PATRIE

ANTONI SŁONIMSKI, 1943

Celui-la qui oublie son propre pays

En apprenant que coule le sang du peuple tcheque,

Qui se sent frere des Yougoslaves,

Norvégien quand souffre le peuple norvégien,

Se penche avec la mere juive sur ses fils battus,

Se tordant les mains de douleur,

Quand le Moscale tombe - se sent Moscale,

Pleure l'Ukraine avec les Ukrainiens,

Celui-la qui ouvre son cour a tous,

Qui est Français quand la France souffre - Grec

Quand le peuple grec meurt de faim,

Celui-la est de ma patrie. Il est homme.

Antoni SŁONIMSKI (1895-1976) était poete, auteur dramatique et journaliste. Cofondateur, entre les deux guerres, du groupe poétique "Skamander" et collaborateur de "Wiadomości Literackie" ("Les Nouvelles littéraires"), il a passé la guerre en France et en Grande-Bretagne. Apres son retour au pays, président de l'Union des Écrivains polonais (1956-1959), entre autres, et instigateur de nombreuses résolutions de l'opposition, notamment de la "Lettre des 34". Symbole et autorité de l'intelligentsia libérale, dont il a été, a la fin de sa vie, l'un des initiateurs de son rapprochement avec l'Église. De 1970 a sa mort, chroniqueur de "Tygodnik Powszechny".

La question des rapports entre Polonais et Juifs a l'époque de l'occupation fait partie de ces problemes déja historiques autour desquels nombre de malentendus ont surgi, en particulier a l'étranger. Ces dernieres années, nous avons été les témoins de certaines interventions et publications injustes a l'Ouest, qui ont indiscutablement influencé la formation d'opinions absolument erronées sur la situation en Pologne dans les années 1939-1944. Les jugements partiaux et généralisateurs sur l'attitude de la population polonaise - cette population qui, avec les Juifs, a le plus douloureusement souffert pendant la derniere guerre - ont été le plus souvent formulés par des gens qui n'ont pas eux-memes éprouvé les cruautés de l'occupation. Ici et la s'est meme fait entendre une tendance accusant la société polonaise d'etre coresponsable du sort des Juifs en Pologne - une tendance d'ailleurs éculée puisqu'elle avait déja trouvé son expression dans les initiatives concretes de la propagande nazie. Les livres fameux de l'écrivain américain Leon Uris - "Exodus" et "Mila 18" -, certaines déclarations parues dans des revues américaines, britanniques et dans la NRF, et jusqu'a certaines émissions télévisées aux États-Unis, dont l'aspect positif était en principe de montrer des gens qui ont aidé des Juifs dans l'Europe occupée - tout cela passe sous silence la part des Polonais dans cette action, rappelant en revanche que sur notre territoire, justement, se trouvaient des camps d'extermination.

Il ne serait assurément pas judicieux de nier ou de passer sous silence les torts causés aux Juifs ainsi qu'aux Polonais qui les ont aidés pendant l'occupation, en Pologne, par des éléments dévoyés, criminels, coopérant avec la police allemande, qui ont fait beaucoup de mal mais qui étaient pourchassés et mis hors d'état de nuire par les organisations patriotiques clandestines, stigmatisés par l'opinion publique. Mais tout de meme, ceux d'entre nous qui ont personnellement fait l'expérience des cruautés de l'occupation savent de combien d'actes de bienveillance, d'aide, d'amitié et meme de dévouement au péril d'une vie - au nom du commandement sur l'amour du prochain ou du noble sentiment de solidarité humaine - les Juifs ont été l'objet, progressivement traqués et finalement condamnés a mort par les Allemands.

Il convient ici de rappeler quelques faits essentiels:

La société polonaise, elle-meme soumise a l'effet permanent de la terreur collective (rafles, perquisitions, arrestations, exécutions, déportations en camp de concentration), n'avait évidemment pas la possibilité de sauver de l'extermination l'ensemble des Juifs enfermés dans les ghettos et les camps, de meme qu'elle ne pouvait sauver les centaines de milliers de Polonais emprisonnés sur le territoire polonais - a Auschwitz ou a Majdanek -, fusillés dans les rues des villes, torturés a Pawiak, a Montelupich ou au château de Lublin.

La Pologne était le seul pays en Europe occupée ou l'on condamnait a mort pour avoir apporté de l'aide, quelle qu'elle fut, aux Juifs qui se cachaient: gîte, argent, nourriture. Cette répression était appliquée logiquement et impitoyablement, en assassinant parfois des familles polonaises entieres avec femmes et enfants.

De leur propre initiative, des milliers de Polonais en ville et a la campagne - intellectuels, savants et artistes, médecins, enseignants, pretres, religieuses et moines, militants sociaux, ouvriers et artisans, paysans et propriétaires terriens - ont aidé directement ceux qui étaient persécutés et ont contribué a les sauver. De nombreux actes d'authentique dévouement, de générosité de cour et d'abnégation, mal connus du plus grand nombre, ont accompagné cela.

On manque jusqu'a présent d'études historiques sérieuses concernant la coopération des Polonais avec les juifs dans la clandestinité. Beaucoup, parmi ceux qui ont apporté leur aide a ceux qui étaient persécutés, comme parmi ceux qui ont bénéficié de cette aide, n'ont pas vécu jusqu'a la fin de la guerre ou sont morts au cours des premieres années qui ont suivi. Ceux qui ont survécu a la guerre ne veulent pas toujours repenser a ces épreuves tragiques. Beaucoup de gens, enfin, considerent leur participation a l'action d'aide aux gens persécutés comme le simple accomplissement d'un devoir; leur modestie personnelle les retient de prendre la parole a ce sujet.

A plusieurs reprises, déja, dans les colonnes de "Tygodnik Powszechny", ont paru des appels invitant les lecteurs a répondre a des enquetes ou a participer a des concours liés a divers problemes sociaux, moraux ou de société. Ils ont suscité l'intéret et ont eu un tres vif retentissement. J'estime que dans une affaire aussi importante et encore tres vivante que la coopération entre Polonais et Juifs pendant l'occupation, nous avons l'obligation morale de rendre a la vérité le meilleur témoignage possible. Non seulement pour contrer au plus vite les jugements mensongers dictés par l'ignorance des choses ou la mauvaise volonté, mais surtout pour des considérations historiques et éducatives: dans le but de fixer pour l'avenir des exemples de belles attitudes humaines empreintes d'humanisme authentique, du plein respect de la vie et de  la dignité de l'homme, quelles que soient son origine, ses opinions, sa confession ou sa nationalité.

Cette année, au cours de laquelle sera bientôt célébré, pas seulement en Pologne mais également aux États-Unis et en Israël et dans nombre d'autres pays encore, le vingtieme anniversaire de la tragique et héroique résistance armée des Juifs dans le ghetto de Varsovie (avril-mai 1943) ou de Białystok (aout 1943), et qui marque simultanément le vingtieme anniversaire de l'extermination définitive des grands centres juifs dans diverses parties de notre pays (Cracovie, Lublin, Radom, Częstochowa et autres - cette année semble etre un moment particulierement approprié pour tirer des épreuves qu'ils ont vécues et de la mémoire des participants et des témoins des événements de ces années-la tout ce qui, malgré la fuite du temps, peut encore etre sauvé de l'oubli.

C'est pourquoi j'adresse un appel sincere aux lecteurs et aux amis de "Tygodnik", en Pologne et a l'étranger, ainsi qu'a toutes les personnes de bonne volonté qu'ils connaissent, chrétiens et non chrétiens, qui peuvent et veulent nous aider dans cette affaire, pour qu'ils envoient des souvenirs personnels aussi bien que des récits et des informations sur les épreuves et les événements vécus par d'autres (mais uniquement de ceux qu'ils connaissent bien et dont ils sont surs) liés aux diverses formes d'aide apportées aux Juifs par les polonais pendant l'occupation sur l'ensemble du territoire polonais. Tout exemple concret est important et précieux - simples descriptions d'événements et de faits appuyés, dans la mesure du possible, par des dates, des noms de localités, les noms de ceux qui ont apporté leur aide et de ceux qu'on a aidés, ou de témoins, éventuellement par des copies de documents et des photographies.

Władysław Bartoszewski (né en 1922) est historien, homme politique et journaliste. Détenu a Auschwitz pendant l'occupation, libéré grâce a l'action de la Croix Rouge, il fut alors employé au Bureau d'Information et de Propagande du Commandement Principal de l'AK, l'Armée de l'Intérieur; il a aussi ouvré dans le Conseil d'Aide aux Juifs "Żegota", aupres de la Délégation du Gouvernement de la République de Pologne au Pays. Prisonnier politique a l'époque stalinienne. Collaborateur de "TP" depuis 1957, membre de son équipe rédactionnelle jusqu'en 2007. En 1966, décoré de la médaille des Justes parmi les Nations (trois ans plus tôt il avait reçu la meme médaille au nom de "Żegota"). Ministre des Affaires Étrangeres a deux reprises sous la IIIe République de Pologne.

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Artykuł pochodzi z numeru TP 13/2010

Artykuł pochodzi z dodatku „Żydownik Powszechny (Francais)