NOIR C'EST NOIR

La déclaration du P. Jankowski sur le caractere intolérable d'une minorité juive dans le gouvernement polonais est une déclaration antisémite d'empreinte nazie. L'Église de Pologne ne pourrait-elle s'autoriser une lettre pastorale sur le theme qu'est-ce que le péché d'antisémitisme?

15.12.2010

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Czarne jest czarne /
Czarne jest czarne /

Le texte du P. Stanisław Musiał a paru dans "TP" n° 46/97 et a été récompensé quelques mois plus tard par le prix "Grand Press" du mensuel "Press" dans la catégorie journalisme. Dans le n° 2/98 a paru - avec prépublication de l'Agence Catholique d'Information -  un texte polémique du P. Waldemar Chrostowski, "Arc-en-ciel en noir", avec une réplique du P. Musiał et un commentaire de Stanisław Krajewski. Le P. Henryk Jankowski, dont le P. Musiał a mentionné la déclaration antisémite, a repris ses sermons en 1998 apres une peine d'un an infligée par l'archeveque Tadeusz Gocłowski (une nouvelle interdiction infligée par l'archeveque métropolitain de Gdańsk en 2004 et associée a la révocation de sa fonction de curé de la paroisse Ste Brigitte, a été levée en 2008 par le successeur de l'archeveque Gocłowski, l'archeveque Sławoj Leszek Głódź).

Au début des années quatre-vingt du siecle passé, a Berlin, le pasteur Adolf Stöcker, prédicateur de la Cour impériale, militant du mouvement chrétien-social - une figure alors connue du protestantisme allemand - tonna lors d'un de ses sermons: "Nous ne nous reposerons pas (...) tant que notre peuple allemand (...) ne se dressera pas pour se débarrasser de la domination juive. Pays allemand, peuple chrétien, je T'en conjure, réveille-toi!" dans le proces-verbal de la déclaration du pasteur Stöcker on a noté avec empressement que l'appel du prédicateur au réveil du peuple fut accueilli par "un ouragan d'applaudissements sans fin".

Nous savons aujourd'hui quels démons ont été réveillés, en Allemagne et en Europe, aussi bien a l'instigation de prédicateurs catholiques que protestants dans le genre du pasteur Stöcker. Ce réveil de la haine a couté la vie a six millions de Juifs, car c'est la le nombre des victimes juives englouties par l'antisémitisme nazi.

Nouveau tabou?

Le dimanche 26 octobre 1977, le  pere Henryk Jankowski, curé de la paroisse Ste Brigitte de Gdańsk, déclarait entre autres qu' "on ne peut tolérer une majorité juive dans le gouvernement polonais, car le peuple en a peur". Ce n'était pas la premiere déclaration antisémite dans la bouche du pretre. Il s'était excusé de certaines d'entre elles dans une lettre du 4 juillet 1995 adressée a son Ordinaire.

L'affaire du P. Jankowski a franchi depuis longtemps les frontieres de notre pays. Il semble que meme Gdańsk soit trop étroit pour le pretre. Des dépeches d'agences citaient une déclaration du 5 octobre dernier du P. Jankowski, et pas de n'importe ou mais de Rome, capitale de la chrétienté occidentale: "Ce que le peuple polonais pense, moi je l'ai dit haut et fort. Non par erreur, mais avec conviction." Tout indique qu'a l'Ouest l'intéret pour l'affaire du P. Jankowski ne faiblit pas mais ne fait que croître. Il faut dire avec beaucoup de peine qu'aux noms de Polonais et aux événements de l'histoire polonaise contemporaine a travers lesquels la Pologne est perçue, s'est joint "le pretre polonais de Gdańsk" (certains ont des difficultés avec son nom) en raison de ses déclarations antisémites. Pourtant, si le P. Jankowski estime que l'intéret des mass média internationaux commence et s'acheve a sa personne et qu'il est par conséquent devenu une célébrité, eh bien il me faut lui ôter ses illusions. Les déclarations antisémites en tant que telles s'apparentent aux fariboles idéologiques (des fariboles terriblement dangereuses, évidemment). Par nature elles sont intellectuellement pauvres et usées, comme tous les points de vue fanatiques.

Pourquoi, par conséquent, les médias du monde entier s'intéressent-ils tant a l'affaire du P. Jankowski?

A l'étape actuelle, ce qui intéresse l'opinion mondiale ce ne sont pas telle ou telle opinion et les déclarations antisémites du P. Jankowski, seulement cette question: comment les Polonais réagissent-ils a ces déclarations? Pour l'opinion publique internationale, c'est important et curieux. Et on ne peut pas en vouloir aux médias internationaux, et notamment occidentaux. Ils en ont parfaitement le droit, car enfin nous voulons entrer dans la famille des États européens. Pour les pays ouest-européens il n'est pas indifférent de savoir avec qui ils se lient. Ils ont toutes sortes de problemes mais ils n'ont plus le probleme de l'antisémitisme manifesté sous une forme aussi aiguë. Ces pays ont leur propre expérience de la maladie sociale dont le nom clinique est "antisémitisme". Certains l'ont payé d'un prix élevé. Ont-ils besoin d'un partenaire malade a leur table bien a l'abri, opulente? Comment les Polonais réagissent-ils aux interventions antisémites du P. Jankowski? Comment se débrouillent-ils avec ce probleme? Si dans un quelconque pays occidental un ecclésiastique, pretre catholique d'une renommée comparable a celle du P. Jankowski (cette renommée il la doit, me semble-t-il, a sa fidélité a Solidarność a une époque ou bien peu de gens manifestaient publiquement cette fidélité), si ce pretre intervenait avec des opinions antisémites de ce genre, alors, je crois, nombre de gens de bonne volonté sortiraient dans la rue pour protester. Chez nous, pour l'instant, c'est impossible. Meme s'il me semble aujourd'hui que la sensibilité et la solidarité sociales s'éveillent, elles ne se manifestent - jusqu'a présent - que dans un seul cas: quand un crime particulierement bestial est commis. Je pense qu'il faudra attendre longtemps dans notre patrie pour que le délit ou la déclaration antisémite fasse se dresser les gens. Apres tout ce que les nazis ont commis sur notre terre la conscience sociale du fait que l'antisémitisme, par nature et sous toutes ses formes, est porteur de mort, meme si le plus souvent ce n'est pas directement ni sur-le-champ - cette conscience fait toujours défaut. Notre passé ici se venge. Jadis, le theme de l'antisémitisme constituait un tabou et etre patriote - selon les explications du Parti communiste au pouvoir - cela signifiait etre antisioniste (ce qui, en pratique, équivaut a etre antisémite). Comment peut-on s'étonner pourtant que l'antisémitisme ne soit pas perçu dans la société comme un mal dangereux, des lors que dans le cas du P. Jankowski les grands corps qui façonnent l'opinion et les autorités morales ont totalement échoué? J'ai a l'esprit les hommes politiques, les gens de la culture et - hélas - l'Église.

La honte du silence

L'affaire du P. Jankowski semble ne pas intéresser les hommes politiques et elle ne les empechera certainement pas de dormir. Ils sont surchargés de travail: une nouvelle Diete, un nouveau Sénat, un nouveau gouvernement, de nouvelles voivodies et leurs suppléants. Leçon de l'histoire: le fait que dans notre siecle de jeunes démocraties européennes sont tombées parce qu'elles n'ont accordé aucun poids au fascisme rampant et a l'antisémitisme leur est aussi étranger et lointain que les guerres napoléoniennes. Ce qui paraît surtout prodigieux, c'est l'inaction de ces forces politiques qui situent leur berceau a Gdańsk. Le fait que, dans l'opinion mondiale, la symbolique de Gdańsk se transforme peu a peu d'une ville qui a amorcé la libération de la Pologne et de l'Europe orientale du joug communiste a une capitale de l'antisémitisme polonais, bah, carrément européen, cela ne semble pas les effleurer. Par ailleurs, chose également curieuse, la passivité des habitants de Gdańsk eux-memes: visiblement, l'année 1945 constitue une césure absolue dans la culture des grandes traditions de cette citadelle millénaire. Quant a ceux que nous appelons les gens de la culture, alors eux aussi souffrent d'une grave infirmité.

Les interventions antisémites du P. Jankowski sont évidemment relevées avec indignation, mais les gens de la culture sont bien loin de démontrer en cette matiere le dynamisme dont ils témoignaient jadis - rappelons-nous le bon vieux temps (bon a cet égard) ou presque chaque semaine des protestations collectives étaient signées a la rédaction de "TP" sans se soucier de la menace de répression des services de Sureté. Manifestement, la vue d'une soutane paralyse les gens de la culture.

Il serait tout a fait regrettable, évidemment,  qu'ils considerent l'affaire du P. Jankowski comme un souci "interne" a l'Église. Ils se tromperaient alors terriblement. L'affaire du P. Jankowski fait honte a la Pologne, a chaque Polonais et a chaque Polonaise, croyants et non croyants. Lui fait honte aux yeux du monde et, ce qui est le plus important: nous brutalise nous-memes. Comment l'Église se débrouille-t-elle dans l'affaire du P. Jankowski? A vrai dire, je laisserais volontiers la réponse a cette question aux historiens qui s'occuperont de cette affaire en détail. Car comment parler ici des réactions des éveques - mais il faudrait en parler - aux déclarations antisémites du P. Jankowski sans blesser qui que ce soit de nos pasteurs? Pourtant le Christ nous a commandé: "Que votre parole soit oui, oui, non, non." Et c'est par cela que je veux me laisser guider. Je ne citerai pas de noms, bien que - et je m'en excuse par avance - le consommateur des médias au quotidien ne résistera pas a la tentation d'associer une déclaration concrete a une personne concrete. Je classerai les réactions des pasteurs aux déclarations antisémites du P. Jankowski selon quatre attitudes. L'une d'elles est l'indulgence sans bornes découlant du fait que le probleme n'a pas été perçu. Car enfin, comment apprécier autrement la déclaration de l'un de ces pasteurs qui date du 4 novembre: "Le P. Jankowski est un homme d'un tempérament spécifique et il s'exprime dans son propre style, d'ailleurs ce n'est pas la premiere fois... C'est un homme capable, qui aime l'Église, qui aime la patrie, un peu différemment des autres peut-etre, mais au-dela de son tempérament il possede tout de meme énormément de bons côtés."

Une autre attitude, c'est le faux-fuyant, ne pas appeler les choses par leur nom, user de formulations dont il est difficile de décortiquer le sens en ayant recours a la logique aristotélicienne. Car enfin, comment comprendre une formulation selon laquelle le P. Jankowski "tombe dans les pieges de l'antisémitisme"? De quels pieges s'agit-il ici? Qui tend les filets? Comment comprendre une argumentation selon laquelle le P. Jankowski n'est pas antisémite car "il rencontre et se lie d'amitié avec des Juifs aux États-Unis et en Pologne, il a de bons contacts avec la communauté juive sur la Côte". Et l'affirmation la plus sophistique: "S'il ne s'occupait pas de politique, il ne serait certainement pas soupçonné d'antisémitisme." La politique et l'antisémitisme sont deux questions totalement différentes. Dans l'enseignement religieux, l'antisémitisme est un péché contre Dieu et le genre humain. La politique - non. La politique est l'art de conduire la communauté humaine. Ce peut etre quelque chose de "sale" mais ce n'est pas une obligation. S'occuper de politique, meme dans le cas d'un pretre - une occupation illicite pour un homme d'Église - ne doit pas exposer automatiquement cette personne au "soupçon d'antisémitisme". Par chance - par chance dans la malchance - tous les ecclésiastiques politisés en Pologne ne sont pas antisémites.

Troisieme attitude, la plus confortable, c'est la position de l'observateur a l'extérieur. On peut alors jouer sur plusieurs registres. Tantôt sur le registre de l'évaluation honnete ("opinions maniaques") tantôt sur le registre de l' "humour du désespoir" (dans le cas du rédacteur de "Życie" qui, a la question concernant les sanctions prévues par le Code du droit canon pour les déclarations blâmables du P. Jankowski, a obtenu cette réponse: "De l'avertissement a l'écartelement - plaisante l'éveque...- l'écartelement ne s'applique plus, mais l'archeveque de Gdańsk a toute une gamme de moyens prévus par le droit ecclésiastique" - les points de suspension sont de moi. Tantôt enfin, sur un registre que je préfere ne pas commenter (dans une interview au quotidien belge "Le Soir", je cite d'apres la presse polonaise): "Interrogé sur la raison pour laquelle l'Épiscopat tolere les déclarations antisémites du P. Jankowski, lesquelles font tant de tort a la Pologne a l'étranger, il répond: "Cher monsieur, je ne suis pas psychiatre"." Qu'a pensé ce journaliste de l'Église polonaise? Il vaut la peine d'ajouter que l'affaire du Carmel d'Auschwitz est partie d'un article paru justement dans "Le Soir", en octobre 1985.

Enfin, quatrieme attitude, qu'on ne peut que deviner d'apres des déclarations avares relevées ici et la par les médias: "Grande souffrance de la situation créée, priere, pénitence. Mais seul Dieu connaît exactement ces affaires." Comment faut-il apprécier les trois premieres attitudes? On ne peut les appeler autrement que banalisation du mal. Mais la banalisation du mal est d'ordinaire pire que le mal lui-meme, car elle assoupit les consciences et gomme les frontieres entre le bien et le mal. La réponse de l'un des membres de la délégation de l'Épiscopat avant le voyage a Bruxelles pour une rencontre avec des représentants de l'Union européenne surprend. A la question d'un journaliste de l'Agence Catholique d'Information lui demandant si l'affaire du P. Jankowski ferait l'objet de discussions a Bruxelles, il a répondu: "Je ne sais pas, pourquoi devrions-nous en parler? A quoi bon faire des déclarations d'un seul des vingt-cinq mille pretres polonais une affaire internationale. C'est une énorme exagération, le sujet en soi ne mérite pas un tel traitement." Difficile de souscrire a cette affirmation selon laquelle le theme de l'antisémitisme ne mérite pas une discussion a un haut échelon bruxellois (si toutefois celui qui répondait avait présent a l'esprit l' "antisémitisme" en parlant du "sujet en soi"). Difficile également de souscrire a la dévalorisation de l'individu. Tout ce qui est bien et mal dans le monde a pris et prend finalement naissance dans l'âme individuelle. Pour se servir d'un exemple religieux: Arius, au IVe siecle, était seulement "l'un" des pretres d'Égypte parmi plusieurs milliers et ses idées, l' "arianisme" justement, ont ébranlé l'Église - et cela dans tout l'empire romain. L'essence de l'affaire du P. Jankowski réside en cela que tous les éveques ne sont pas convaincus du caractere antisémite de ses déclarations du 26 octobre (je fais abstraction ici de ses autres déclarations du meme ordre). Bien sur, ils sont enclins a la juger "politique" mais pas "antisémite". L'un des pasteurs - je cite d'apres la KAI, l'Agence Catholique d'Information -, le 4 novembre: "Il a souligné (...) que la déclaration du curé de Ste Brigitte n'était pas antisémite mais politique.

Tragique absurdité

La déclaration du P. Jankowski n'était-elle effectivement que politique? Je cite cette déclaration une fois encore: "On ne peut tolérer une minorité juive dans le gouvernement polonais, car le peuple en a peur." Je mets de côté le fait qu'il y a effectivement ou pas une "minorité juive" dans le gouvernement polonais. Personnellement je dois avouer que je n'en sais rien. La signification du mot "minorité" n'est pas claire non plus (étant donné que 23 personnes siegent au gouvernement, combien de personnes devrait compter cette prétendue "minorité"?). La signification de l'adjectif "juive" est tout aussi obscure. Sans doute ne s'agit-il pas ici de personnes parachutées sur le toit du bâtiment du Conseil des ministres lors d'un débarquement de troupes étrangeres? La déclaration du P. Jankowski - telle qu'elle résonne - est non seulement une déclaration antisémite (sans autre adjectif) mais - par quelque bout qu'on la prenne - une déclaration antisémite dans sa pire expression, car hitlérienne. Quelques jours a peine apres avoir pris le pouvoir - et il le prit légalement - Hitler commença a appliquer un programme d' "intolérance" des Juifs. Les juges et les avocats d'origine juive passerent au premier plan (comme on n'avait pas encore préparé les "lois" appropriées, cette action fut menée de maniere encore relativement "humanitaire": des bandes armées lâchées contre eux importunaient les juges et les avocats dans l'exercice de leurs fonctions et les contraignaient ainsi a prendre des congés forcés). Hitler surveillait personnellement les travaux législatifs qui avaient pour objectif d'écarter les personnes d'origine juive de toutes les fonctions officielles. La loi en cette matiere fut adoptée le 7 avril 1933, avec une clause cynique excluant de son champ d'application ceux qui avaient participé aux combats sur le front pendant la guerre. Peu de temps apres vint le tour d'autres groupes professionnels: médecins, professeurs, commerçants, ouvriers. La bureaucratie nazie s'empetra dans des situations absolument grotesques, terriblement épuisantes, évidemment, pour ceux qui étaient touchés par les restrictions. Et ainsi, par exemple, a partir d'aout 1941 il fut interdit aux personnes d'origine juive d'emprunter sans autorisation spéciale "routes, voies fluviales et ferrées". Pour se rendre au travail on pouvait emprunter les moyens de communication publics si la distance dépassait 7 km, et dans le cas des enfants se rendant a l'école plus de 10 km dans un sens, mais il fallait toujours céder les places assises aux aryens.

Toutes ces formes d' "intolérance" des personnes d'origine juive possedent leur propre logique interne implacable. Car si on ne peut "tolérer" quelqu'un "dans le gouvernement", alors pourquoi devrait-on le tolérer comme enseignant, comme médecin ou meme comme cireur de chaussures? A la fin de cette chaîne logique il ne reste qu'une chose: la liquidation physique de cette personne "non tolérée". Il est grand dommage que dans notre pays les autorités religieuses, les autorités morales, s'efforcent obstinément de démontrer que noir est blanc. Le répéterait-on meme avec une sainte obstination, personne ne s'en convaincra. Il n'y a pas le moindre doute que la déclaration citée du P. Jankowski vient en droite ligne de l'antisémitisme nazi, peu importe que l'auteur de cette déclaration lui-meme le sache ou s'en rende compte. L' "intolérance" de l'autre uniquement en raison de son origine biologique est un sombre cul-de-sac mental: on fait irruption sur un terrain ou tout raisonnement prend fin, ou toute lumiere s'éteint dans l'esprit humain, en vérité on entre dans la contrée de l'absurde et de la mort. En vouloir a Napoléon, par exemple, d'etre né en Corse de tels parents et pas de tels autres est chose totalement absurde, car lui n'y peut rien. On peut le juger sur ses paroles et ses actes, mais pas sur son origine.

Afin de mieux concevoir cela, j'aurai de nouveau recours a un exemple, a connotation polonaise cette fois, exemple absolument fictif évidemment. En 2050, un conclave se réunit pour choisir un nouveau pape. Dans le nombre d'électeurs prescrits figure une "minorité polonaise" - huit cardinaux. D'ordinaire, on choisit le Pape parmi les cardinaux prenant part au conclave. Juste avant le premier tour de scrutin, le cardinal qui préside le conclave se leve et déclare que pour le bien de l'Église on ne peut voter pour aucun candidat de la "minorité polonaise". Interrogé pour savoir si les cardinaux polonais ne possedent pas les qualités requises pour exercer la charge pontificale, il répond qu'ils possedent tous toutes les qualifications a un degré éminent. Il n'y a qu'un seul obstacle: ils sont "biologiquement" polonais. La nouvelle du veto cardinalice est portée a la connaissance des Polonais. Tous sont indignés.

En marge de cet exemple je voudrais rappeler qu'il y a eu, dans l'histoire de l'Église, un exemple d'installation d'un Juif sur le trône pontifical (a part Saint Pierre évidemment). Ce fut Anaclet II (1130-1138). Son grand-pere était un converti. Il apparaît maintenant sur la liste des antipapes uniquement parce que son concurrent, élu le meme jour, lui a survécu de quelques années (c'est Innocent II, 1130-1143). Saint Bernard de Clairvaux, qui passe pour l'un des hommes du moyen âge les plus favorables aux Juifs, a réagi en raciste a l'élection d'Anaclet en déclarant que "le choix d'un descendant juif pour la capitale de Pierre est une offense faite au Christ". Tous les citoyens polonais sont égaux devant la loi, indépendamment de toute tare: qu'ils aient par exemple six doigts a la main droite, qu'ils soient d'origine pygmée ou encore adorateurs du crocodile. Du reste, aucun des Polonais actuellement vivants n'est en mesure de prouver son "caractere racial" purement polonais, car une chose pareille n'existe pas. Aucun Polonais n'est meme en mesure de remonter dans son arbre généalogique, par exemple, jusqu'au XIe siecle apres Jésus-Christ.

Péché

Reste un probleme important: la maniere dont l'Église qualifie l'antisémitisme. L'antisémitisme a trouvé une opposition résolue, solennelle, dans l'allocution que Jean Paul II a prononcée pendant le symposium du Vatican consacré aux racines de l'antisémitisme chrétien (fin octobre et début novembre 1997). Je voudrais cependant citer deux autres déclarations religieuses. La premiere encore d'avant la Shoah, c'est-a-dire avant l'extermination des Juifs par les nazis. Le 23 mars 1928, la Congrégation du Saint Office, a Rome, a rendu ce verdict (en usant de la formule d'une phrase unique, tous les verdicts de cette Congrégation sonnaient alors ainsi): "Le Saint-Siege blâme et condamne tout particulierement la haine du peuple jadis élu par Dieu qui s'appelle maintenant dans le langage courant “ANTISÉMITISME“."

Si l'antisémitisme est un péché, alors toute l'affaire prend une autre dimension pour le croyant. Alors on ne plaisante plus - comme on dit dans le langage courant. Car pour un chrétien le "péché contre Dieu et la nature humaine" signifie la rupture du lien avec Dieu (c'est comme de couper une branche vive d'un arbre, bien que ce soit une comparaison un peu boiteuse), et rompre la toile des relations entre les hommes. C'est donc une affaire grave. Si publiquement, aux yeux du monde entier, le péché d'antisémitisme a été commis, car la déclaration du P. Jankowski du 26 octobre était antisémite dans sa pire expression, perdre son énergie et son temps a tenter de cataloguer cet acte dans la rubrique "politique" comme le fait notamment le décret qui suspend le P. Jankowski pour un an de ses fonctions de curé, c'est un malentendu historique. Il faut appeler les choses par leur nom. Autrement l'Église de Pologne perd sa crédibilité non seulement face au monde mais également face a ses propres fideles. Le Christ a dit: "Que votre parole soit oui, oui, non, non; ce qu'on y ajoute vient du malin" (Mat. 5,37).

Il faut dire ici clairement que la personne du pretre Jankowski passe au second plan. Personne ne tient a ce que ce curé, qui possede de grands mérites, soit completement écrasé, réduit en poussiere, anéanti. Meme la sanction qui l'a frappé (pour cette "politique") pouvait etre tout a fait différente; par exemple l'étude des documents religieux traitant des rapports réciproques de l'Église et du judaisme (et, naturellement, un examen dans cette matiere devant une commission d'experts spécialement constituée). Le souci d'éclairer l'esprit des fideles et de façonner comme il convient leurs consciences quant au "péché d'antisémitisme" aurait du primer.

L'Église de Pologne, une Église qui possede des écoles supérieures, des séminaires, qui dispose d'une équipe qualifiée de spécialistes, n'aurait-elle pas été capable de rédiger une lettre ou une instruction pastorale plus développée sur le theme: "Qu'est-ce que le péché d'antisémitisme?" - dans une langue évidemment compréhensible, simple, carrément "simplette"? Qui d'autre peut remplacer l'église dans ce rôle? Nous devons nous souvenir qu'il n'y a pas qu'Hitler qui a tué des Juifs au nom de son antisémitisme paien, raciste (plus d'un million d'enfants juifs, entre autres, ce qu'on oublie d'ordinaire, en ont alors aussi été les victimes). Le "péché d'antisémitisme" a aussi physiquement tué des Juifs au cours des siecles écoulés, commis par les chrétiens malgré l'enseignement de l'Église et malgré les multiples décrets publiés par les papes et qui protégeaient les personnes et les biens juifs. Si pareille lettre ou instruction pastorale avait vu le jour, nous pourrions entrer d'un cour plus léger dans le troisieme millénaire de la chrétienté. Peut-etre meme pourrrions-nous y entrer en tenant par la main nos "freres aînés dans la foi". Parce qu'ils n'auraient plus, alors, a nous craindre.

Le P. Stanisław Musiał SJ (1938-2004), philosophe de formation, pretre et militant social par vocation a été pendant de nombreuses années collaborateur et rédacteur de "Tygodnik Powszechny" (rédacteur en chef adjoint en 1990-1991). De 1986 a 1995, membre de la Commission de l'Épiscopat de Pologne pour le Dialogue avec le judaisme, il a pris part avec Jerzy Turowicz aux entretiens internationaux concernant le transfert du couvent des Carmélites hors du terrain de l'ancien camp d'Auschwitz; il est intervenu aussi (voir p. 22) contre l'érection de croix dans une ancienne graviere et contre une exposition de tableaux dans la cathédrale de Sandomierz représentant un meurtre rituel. Il a développé ses points de vue sur les rapports entre chrétiens et Juifs dans un livre posthume d'entretiens avec Witold Bereś et Krzysztof Burnetka: "Fier Ecclésiastique".

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Artykuł pochodzi z numeru TP 13/2010

Artykuł pochodzi z dodatku „Żydownik Powszechny (Francais)