JE VOUDRAIS ETRE MOI-MEME

L'identité d'un antisémite est en proie au trouble. Il lui faut se convaincre lui-meme et convaincre les autres qu'il n'est nullement antisémite. C'est assurément la faute des Juifs - affirme-t-il - si on ne peut meme pas se dire antisémite.

15.12.2010

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Chciałbym być sobą /
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Le texte de Jan Hartman a paru dans "TP" n° 31/09, provoquant entre autres une polémique avec Ireneusz Krzemiński dans "TP" n° 35/09 ("En Pologne, jusqu'alors, on ne s'était pas posé la question de savoir ce qu'il faut faire pour entraîner un homme porté a la haine dans une conversation qui écorne ou qui mine un tant soit peu l'image d'un monde en noir et blanc. Mais comment avoir une discussion dans laquelle on sait depuis le début que le point de vue de l'une des parties rendra impossible tout échange d'arguments?" écrivait le sociologue varsovien). Le 11 décembre 2009, le jury du Prix "Grand Press" décerné par le mensuel "Press" a considéré que "Je voudrais etre moi-meme" était le meilleur matériau de l'année écoulée dans la catégorie journalisme.

Dans l'un des passages souterrains de Cracovie on peut voir l'inscription: "A bas l'antipolonisme juif!" Chaque fois que je passe par la je me dis : certainement, mais si on ajoutait encore... et l'antisémitisme polonais." Il y a déja longtemps que l'antisémitisme est devenu le theme d'un débat public honnete dans notre pays, mais l'antipolonisme n'a pas encore assez vécu pour avoir le meme traitement - ni en Pologne, ni en Israël ni aux USA. Pour l'instant ce sont principalement les antisémites qui en parlent. Qu'ils en soient loués.

Je cultive un point de vue impopulaire. C'est-a-dire que je suis persuadé que l'amélioration des relations entre Polonais et Juifs dépend dans une grande mesure de l'écho que nous donnons a l'antisémitisme et a l'antipolonisme dans la sphere publique. Les jeter au caniveau fait qu'ils y pourrissent completement et reviennent a leur état primitif en dégageant des poisons qui intoxiquent la société toute entiere. Peut-etre ne changerons-nous pas les convictions de ces gens-la, mais en abordant ouvertement des sujets délicats et en offrant un déversoir aux sentiments négatifs nous facilitons l'assainissement des rapports entre nos deux peuples.

Échapper a l'épithete

Juifs et antisémites ne peuvent vivre les uns sans les autres. Sans les antisémites les Juifs seraient un peuple banal auquel les autres s'intéressent peu; sans les antisémites l'État d'Israël n'existerait pas. Mais, en revanche, s'il n'y avait pas les Juifs les antisémites devraient forger une autre légende du complot mondial des forces du mal, ou bien alors entretenir leur humeur belliqueuse dans les sports de combat. Ils ne seraient cependant pas ce qu'ils aiment le plus etre - des exterminateurs du Juif.

Avant la guerre l'alliance sémito-antisémite était en quelque sorte honorable. Les antisémites s'appelaient antisémites et ne s'offusquaient jamais quand quelqu'un les désignait ainsi. Pour un antisémite, le mot "antisémite" n'était nullement une insulte. Ils combattaient les juifs ouvertement - dans la rue, dans les journaux, au Parlement. Ils organisaient des manifestations, le boycottage des magasins juifs, la ségrégation dans les universités. Tout était clair. Alors qu'aujourd'hui il ne sied pas d'etre contre un peuple en tant que tel, en cela l'identité de l'antisémite est en proie au trouble. Il lui faut se convaincre lui-meme et convaincre les autres qu'il n'est nullement antisémite, et ce n'est pas une tâche facile. Je ne suis pas antisémite, mais... pourquoi les Juifs ceci et pourquoi Israël cela... C'est assurément la faute des Juifs si on ne peut meme pas se dire antisémite - tout simplement une nouvelle trouvaille du "libéralisme juif" avec laquelle ils tentent de dominer le monde.

D'ordinaire on parle de l'antisémitisme comme d'un préjugé et d'une vilenie. Aucune personne cultivée ne veut écouter un antisémite, personne ne prend ce qu'il dit au sérieux. Moi, pourtant, j'affirme qu'il faut écouter les antisémites, en décortiquant le grain de vérité noyé dans la chair des obsessions, des mythes et des mensonges. Les antisémites véritables s'intéressent vraiment a nous et ils savent beaucoup de choses sur nous, les Juifs. Nous sommes importants pour eux, or c'est d'un certain prix. C'est pourquoi ils méritent qu'on s'entretienne avec eux. Et bien qu'il soit exact que l'antisémitisme a dégénéré en crime dans l'Holocauste au XXe siecle, c'est tout de meme cette affinité avec les nazis qui souille l'honneur de l'antisémitisme contemporain, qui suscite non seulement l'indignation mais également la compassion. En général, tout de meme, ils ne veulent rien avoir de commun avec Hitler, mais par la force des choses ils ont des points communs.

Antilekhitisme silencieux

A vrai dire, je préfere un antisémitisme polonais sain a un Juif anti - eh bien, comment l'appellerions-nous: antilekhite? Quoi que l'antipolonisme soit aussi fréquent (a vue de nez en tout cas, car nul ne l'a étudié) parmi les Juifs en Israël ou aux USA que l'antisémitisme en Pologne, ce n'est pas un phénomene symétrique. En un certain sens l'antipolonisme et pire. Parce qu'il ne s'appuie pas sur une fascination malsaine, sur des complexes et une imagination malade, mais sur quelque chose qui paralyse, d'humain dans une certaine mesure - une indifférence noire. Quelque part dans la plus ancienne génération des Juifs polonais qui ont survécu a la guerre et sont ensuite partis en Israël ou ailleurs, jaillit une source d'épouvantables souvenirs dans lesquels le Polonais joue assez souvent un rôle abominable - il se livre au chantage, il accable d'injures, il pille.

Ces souvenirs empoisonnés, bien qu'ils ne soient pas mensongers, sont transmis aux enfants et aux petits-enfants qui savent bien que ces souvenirs-la sont subjectifs et partiaux mais, malgré tout, ils ne leur permettent pas de songer a la Pologne avec bienveillance. Ils ne veulent pas non plus y songer avec malveillance, d'autant que dans les propos des grands-peres ils perçoivent aussi des accents sentimentaux. Résultat - ils n'en pensent rien du tout. Et ceux qui n'en pensent rien non plus, a plus forte raison, sont ceux qui n'ont pas de racines polonaises. Il regne donc a cet égard un accord presque général parmi les Juifs: la Pologne c'est le pays qui a été choisi, pour certaines raisons, par les Allemands pour assassiner les Juifs, et dans lequel l'antisémitisme a vraisemblablement été et reste un probleme plus important qu'ailleurs. C'est le lieu de la terre brulée, un trou noir ou le Juif ne vient que pour s'incliner devant les victimes de l'Extermination.

Car enfin, qui irait en vacances dans un endroit pareil? Qui se lierait d'amitié avec des gens qui habitent un pays assombri par les fumées des crématoires? L'indifférence semble etre le choix le plus honnete. Lorsque, remplissant leur devoir naturel, les Juifs polonais tentent de briser cette indifférence, ils rencontrent d'aimables semblants d'intéret de la part de leurs compatriotes israéliens ou américains. Lorsque, désespérés, ils sortent de leur arsenal l'arme la plus lourde - "Żegota", Irena Sendler, Henryk Sławik et les 6 500 arbres de Yad Vashem, ils peuvent entendre: "Oh, vraiment, je l'ignorais. Tu reprendras du café?"

Les bras vous en tombent - avec une poignée de vieux antilekhites on peut au moins discuter, meme si on ne peut pas les changer. Mais leurs enfants et leurs petits-enfants ne sont tout simplement pas intéressés. Au reproche d'antipolonisme enraciné parmi les Juifs, les Juifs réagissent par l'étonnement ou l'impatience: il n'y a rien de tel, le souvenir des anciennes offenses n'a aucun rapport avec les Polonais d'aujourd'hui. La négation de l'antipolonisme, ou peut-etre meme l'ignorance de son existence, est plus forte dans le monde juif que la négation de l'antisémitisme par les Polonais.

L'antilekhitisme en Israël est silencieux. Sur les murs, pas d'inscriptions "les Polonais au gaz!", personne ne tient de listes d'Israéliens ayant du sang polonais et conspirant contre la patrie israélienne et les forums d'internet ne fourmillent pas de déclarations antipolonaises. Les ignorants, qui ne manquent nulle part, ne racontent pas que les catholiques enlevent des enfants juifs et en fourrent le sang dans les hosties. Il ne vient non plus a l'idée de personne de prier pour la conversion de quelqu'un au judaisme. Si quelqu'un, en revanche, disait de Menahem Begin qu'il s'est appelé en réalité Biegun et qu'il était Polonais, et que par conséquent il ne faut pas lui faire confiance, alors meme les plus vieux rabbins ne saisiraient pas ce qui n'a ni queue ni tete.

Les profits tirés des antisémites

Évidemment, il y a un antisémitisme silencieux en Pologne. Beaucoup ne disent rien mais éprouvent tout simplement une aversion plus ou moins honteuse pour les Juifs. Il y a aussi beaucoup de Polonais auxquels les Juifs sont absolument indifférents, ce qui du reste est justement ce qu'attendaient la majorité des Juifs. Nous avons pourtant et toujours cette "racine saine" d'antisémitisme authentique et franc qui barbouille les murs et fouille les archives a la recherche des "véritables noms" des ennemis du Peuple. Nos antisémites sont dangereux. A cause d'eux le Juif polonais n'ose pas se montrer dans la rue avec la kippa ni arborer le drapeau israélien le Jour de l'Indépendance israélien. Souvent il a meme peur de parler de sa judéité afin de ne pas s'exposer au reproche de "faire de l'épate" ou de la "provocation". Comme les convalescents de l'antisémitisme qu'excite toujours l'origine juive de quelqu'un ne manquent tout de meme pas et qu'ils sont désireux de se prouver qu'ils se sont totalement affranchis de l'antisémitisme, le Juif polonais doit meme compter ici ou la avec un certain succes immérité. C'est pourquoi, en Pologne, on ne peut etre un Juif sans plus, tout simplement, comme en Angleterre ou aux USA. C'est toujours courir un certain risque et provoquer une certaine sensation. Cela plaît meme a certains Juifs, mais a beaucoup d'autres non. En revanche, celui qui proclame qu'il est et Juif et Polonais donne l'impression d'etre trop gourmand, comme s'il voulait le beurre et l'argent du beurre. C'est pourquoi il y en a qui taisent totalement leurs racines, justement pour ne pas entrer dans le ballet de toutes ces équivoques. Etre naturellement juif est une valeur presque inaccessible dans notre pays, d'autant que celui qui s'efforce vraiment d'etre naturel aboutit a l'inverse.

Du reste nous, les Juifs, nous avons un peu peur de nos antisémites et l'inquiétude ne favorise pas une façon naturelle de vivre. Mais les gens craignent un peu les Juifs aussi. Mis a part les judéophages professionnels, nul ne veut critiquer ouvertement le Juif ni lui porter préjudice, afin de ne pas passer par hasard pour un antisémite. Du reste, qui sait, peut-etre les Juifs sont-ils réellement forts et peuvent-ils se venger.

Ça ne va donc pas. Ça va pourtant nettement mieux qu'autrefois et ça continue de s'améliorer. Je considere que dans les relations des Juifs avec les antisémites il y a deux facteurs qui font espérer une normalisation des rapports polono-juifs en général. L'un des éléments est ce grain de vérité que j'ai mentionné. Il convient que chaque peuple médite les pages sombres de son histoire. Il faut etre reconnaissant a ceux qui nous aident en cela. Les antisémites ont un certain mérite, c'est que les Juifs ont commencé a parler ouvertement de ce qui, pour eux, dans l'histoire des relations polono-juives est honteux, par exemple le rapport bienveillant de nombreux Juifs avec les occupants soviétiques, ou bien la participation de Juifs a la guérilla des partisans soviétiques vers la fin de la guerre.

Peu a peu on en vient donc a élaborer une maniere commune,  modérée et équitable, de parler des relations polono-juives dans le passé. La critique des livres de Jan Tomasz Gross ne passe pas automatiquement pour de l'antisémitisme, mais leur défense ne doit pas passer pour de l'antipolonisme. Le temps passe, les émotions se figent et le ton de la modération et la compétence effective triomphent. Il y a des érudits qui nous parlent de ces questions de façon crédible, sans blanchir ni noircir. Cela, nous voulons l'écouter.

Le deuxieme facteur également prometteur, je pense, dans le conflit des antisémites avec les Juifs, c'est cette chair de préjugé et de mensonge qui entoure le grain de vérité antisémite. Elle est molle et pourrissante, ce qui fait qu'en général l'antisémitisme faiblit intelectuellement, perd meme de son attrait pour les antisémites eux-memes. Heureusement pour les Juifs et les relations polono-juives, l'antisémitisme s'appuie sur des prémisses totalement erronées. Parce que dans une perspective plus longue la vérité et la bonne volonté triomphent toujours.

Quelles sont ces prémisses erronées? La plus importante proclame que les Juifs, quelles que soient les différences qui les distinguent, constituent une communauté mondiale d'intérets et collaborent entre eux pour réaliser ces intérets au détriment des autres peuples. Eh bien, si on peut dire des Polonais qu'ils ne s'épaulent guere en émigration, alors on peut le dire bien plus catégoriquement des Juifs. Lorsqu'ils entendent dire que les Juifs conspirent et qu'ils tentent de placer "les leurs" partout ou ils le peuvent, et qu'ils agissent contre le peuple polonais au nom de leurs propres objectifs par soif de pouvoir et de richesse, les Juifs sont pris de fou rire. Car cette these est tellement absurde qu'il est difficile de se mettre en colere. Ce serait meme agréable si les Juifs, en Pologne, étaient en mesure de faire quelque chose en tant que groupe mais pour le moment, le lobbying, louable ou non, c'est de l'homéopathie. En un certain sens, bien qu'elle soit erronée, la these de la conspiration nous flatte car elle témoigne qu'on nous considere comme des gens forts et dangereux. C'est faux. Ni forts ni dangereux. Meme Israël, armé jusqu'aux dents et intrépide, n'est qu'un minuscule pays subordonné a l'Amérique qui protege son existence dans un océan de haine.

Le Juif a plusieurs noms

Non, ces propos je ne les adresse pas seulement aux lecteurs-type de "Tygodnik", qui sont des catholiques croyants absolument dépourvus d'antisémitisme. Cette respectable revue est tout de meme lue par des incroyants et aussi par des antisémites, justement, qui cherchent ici des motifs d'indignation. Je ne cache pas qu'il m'importe que ce soient eux, en particulier, qui lisent cet article qui leur est en partie consacré et dans lequel un Polonais-Juif leur tend la main.

Polonais-Juif? Nos antisémites tiennent pour évident et facile a comprendre en soi qu'on ne peut etre un bon Polonais en étant également Juif et, de surcroît, en soutenant Israël. Non-sens. Les Polonais des USA sont souvent d'exemplaires patriotes polonais et américains tout a la fois, car il n'y a pas de contradiction entre les intérets nationaux américain et polonais. Ce n'est pas différent avec la Pologne et Israël. Hormis un héritage culturel en partie commun et une histoire en partie commune aux Polonais et aux Juifs, la Pologne et Israël ne sont liés par aucun intéret essentiel ni divisés par aucun véritable litige. Le double patriotisme polono-israélien est on ne peut plus convenable.

L'attachement des Juifs, la aussi polonais, a Israël ne signifie pas nécessairement qu'ils soutiennent telle ou telle action du gouvernement de Jérusalem. Les Juifs d'Israël tout comme ceux qui sont dispersés a travers le monde ont les opinions politiques les plus diverses et des appréciations tres diverses de la politique d'Israël ou du conflit au Proche-orient. Il n'est pas question de la moindre unanimité. De meme pour ce qui touche a leur vision du monde. Les antisémites considerent qu' "un Juif est toujurs un Juif", ce qui veut dire qu'indépendamment de ses opinions déclarées il sera toujours antipolonais et anticatholique. Qui plus est, ils considerent que communisme et athéisme, tout comme leur mutation - le libéralisme - sont des inventions juives visant a affaiblir les peuples chrétiens et a renforcer la domination des Juifs dans le monde.

Rien de tel. Car si le Juif est libéral ou, pire encore: athée et communiste, alors tout nationaliste et traditionaliste, que ce soit un rabbin ou un pretre, qu'il soit juif ou Polonais, sera son ennemi. Sur cette question de l'antisémitisme il faut donc se décider - ou bien nous n'aimons pas le judaisme (et beaucoup de Juifs avec nous), ou bien nous n'aimons pas le sionisme, ou le communisme, ou autre chose encore (et beaucoup de Juifs avec nous). Chaque fois le pauvre antisémite aura pour lui des alliés qu'il n'a pas voulus, sous la forme d'un petit pourcentage de Juifs. Parce que ceux-ci ne sont pas moins divisés sur le plan de l'idéologie et de leur vision du monde que les autres peuples du monde libre.

Qui est élu?

Ce qui fait effectivement mal a l'antisémite c'est la vérité et non ses propres fables stupides. Car seule la vérité peut vraiment faire mal. Cette vérité est complexe et constamment emmaillotée dans le voile du tabou de la dépendance qui lie la religion chrétienne a la religion juive. L'antériorité chronologique du judaisme, le livre sacré commun aux Juifs, le fait que toute l'histoire évangélique se déroule parmi des gens circoncis qui fréquentent le temple juif et observent les rituels juifs, qu'au cours des premiers siecles ce sont essentiellement les Juifs qui étaient chrétiens - tout cela est profondément humiliant pour l'antisémite. Il est saisi d'horreur et de confusion par l'affirmation selon laquelle la Sainte Vierge et Jésus étaient juifs. Juifs? Jamais! Palestiniens peut-etre, Israélites, ex-Juifs, mais Juifs? Jamais de la vie!

D'ou vient au juste ce sentiment d'offense et d'humiliation a l'idée que la foi chrétienne a pris naissance dans le monde juif? Sans doute est-il lié au fait qu'il faudrait reconnaître les Juifs comme "freres aînés" et leur accorder le respect qui, a ce titre, leur est du. Entre deux maux mieux vaut donc saisir l'idée que le peuple élu a déçu Dieu et qu'il a perdu ses privileges en se montrant incapable de reconnaître le vrai Messie. Que les chrétiens se sont saisi des prérogatives du peuple élu et sont devenus le nouvel Israël. Du côté des Juifs croyants, la chose se présente sous un angle tout aussi pessimiste. Pour la majorité d'entre eux la chrétienté est l'une des nombreuses sectes qui ont suivi les faux messies et, de surcroît, une secte qui a violé le commandement lui enjoignant de n'adorer qu'un seul Dieu car, aux yeux des Juifs, l'honorer en trois personnes - dont une personne humaine - passe pour un singulier blaspheme.

Je ne suis pas original en affirmant que les sources les plus profondes de l'antisémitisme sont de nature religieuse, que l'antijudaisme précede l'antisémitisme. Peut-etre n'est-ce pas un point de vue tout a fait banal, cependant, que je désire exprimer ici: les antisémites ont le droit d'avoir leur propre attitude religieuse. Si une composante de la religiosité de quelqu'un c'est la condamnation de ceux qui ne se sont pas convertis a cette religion-la bien qu'ils y aient été incités, que faire? Les convictions religieuses d'autrui peuvent ne pas nous convenir, mais nous devrions les tolérer. Permettons a tout croyant d'etre lui-meme. Que les chrétiens considerent Jésus comme le vrai Messie et que les Juifs le considerent comme un faux messie. Que les chrétiens considerent le judaisme comme un anachronisme invétéré et les Juifs comme ceux qui ont trahi Jésus, et que les adeptes du judaisme considerent, eux, le christianisme comme l'abandon de la vraie foi, une idolâtrie et du polythéisme.

Si nous forçons chrétiens et Juifs a revetir des peaux de moutons et a s'adresser mutuellement des compliments, il s'en trouvera toujours pour se rebeller contre ce qu'ils considereront comme une trahison et une hypocrisie, et qui, par voie de conséquence, deviendront soit des antisémites actifs, soit des ennemis du christianisme. Si, en revanche, nous réussissons a respecter le droit de chaque homme a ne pas aimer les Juifs et le judaisme ou a ne pas aimer les Polonais et le catholicisme, alors nous nous trouverons sur le sentier qui conduit hors du labyrinthe des rapports embrouillés et toujours mauvais entre les deux peuples. Le plus important c'est tout de meme - pour parler sans crainte - ce que chacun ressent. L'indifférence hypocrite a l'égard de la société, l'ignorance opportuniste de la société - c'est la plus grande menace pour les rapports polono-juifs.

Jan Hartman (nÉ en 1967) est professeur de philosophie, directeur du Département de philosophie et de bioéthique du Collegium Medicum de l'Université Jagiellon, rédacteur en chef de la revue philosophique "Principia", membre de la Commission d'éthique des sciences et de l'éducation aupres du ministere des Sciences et de l'Enseignement supérieur. Il s'intéresse a la métaphilosophie, a la philosophie politique, a l'éthique et a la bioéthique.

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Artykuł pochodzi z numeru TP 13/2010

Artykuł pochodzi z dodatku „Żydownik Powszechny (Francais)